DEVENIR MERE

samedi 17 septembre 2016
par  KOENIG_Isabelle

Extrait du livre de Maïtie TRELAÜN : J’accouche bientôt, que faire de la douleur ? Excellente réflexion, que je vous invite à découvrir, puis à méditer …

DEVENIR MERE

Qu’est-ce qu’être mère ? Comment devient-on maman ? Peut être que certains en me lisant auront l’impression que je vais trop loin. J’exprime ma réflexion d’aujourd’hui, je vous expose mon questionnement. Je fais en même temps le point de mon chemin de mère, puisque mon premier né quitte le nid.

Je partage avec vous ce que mes enfants m’ont appris. Je n’ai pas d’autre prétention. Lorsqu’une jeune femme devient Mère, sa mère devient grand-mère : la roue des générations tourne. Aujourd’hui nous ne sommes nullement préparées à devenir mères (il en est de même pour les pères) . L’avènement de la famille nucléaire (père, mère, enfant), le déracinement géographique, l’accélération de l’évolution des techniques et de la pensée font que, bien souvent, la jeune femme se retrouve éloignée voire même en rupture avec sa propre mère au moment de le devenir. La transmission ne se fait plus, ou se fait mal. La mère n’est plus ce qu’elle pouvait être, elle n’en a pas la disponibilité ou sa fille ne le souhaite pas.

Le compagnon la remplace, sans avoir son savoir. La jeune femme se sent seule. La famille nucléaire a également remplacé la "familia" ou communauté familiale qui permettait que les générations se côtoient, que les adolescentes voient leurs tantes avoir et vivre avec des bébés. Elles étaient également sollicitées pour s’en occuper à certains moments afin de soulager la mère. La grossesse, la naissance, la petite enfance, tout comme la mort, faisaient encore partie de la vie, du quotidien de la femme et jouait leur rôle de préparation, de transmission. Cette communauté familiale proposait également une entraide entre femmes. Dans beaucoup de traditions, il était de mise que la jeune accouchée se repose quarante jours après la naissance. Chez nous, on célébrait les relevailles à l’issue de cette période. Pendant ce temps on prenait soin d’elle (massage, soins, nourriture) afin qu’elle se referme, retrouve des forces et nourrisse son enfant. Cela correspond d’ailleurs au temps de vulnérabilité physique qui met le périnée de la femme en péril si elle en fait trop. Nous sommes loin de ces traditions. Les médias n’arrangent pas les choses avec les images de la femme active et mère, toujours sereine, belle, fraiche et dispose avec un poupon adorable et souriant. Où sont les désordres liés à la grossesse et à l’accouchement ? Les doutes, l’ambiguïté, les nausées, les jambes qui enflent, les vergetures, les déchirures du périnée, les douleurs dans le bassin, les hémorroïdes, la fatigue, les larmes, les seins qui coulent, le bébé qui pleure, qui régurgite, qui ne dort pas ... la liste est infinie. La réalité ne colle pas avec l’image que la femme s’en est faite.

Pourtant les progrès de la technologie lui ont permis d’avoir un enfant si elle le voulait et quand elle le voulait. Elle était donc sensée être prête, comme elle est sensée être heureuse.

Ne collant pas à l’image, elle se sent incapable, dépassée : elle culpabilise, elle se tait, elle s’isole, elle souffre, elle a honte. Elle fait bonne figure devant sa famille, ses copines, sa voisine, car, elles, elles y arrivent. Elle ne se rend pas compte que la situation est la même chez la voisine : la même désolation avec la même façade. Cette souffrance des femmes est taboue, elle ne se dit pas. On s’en rend difficilement compte au niveau médical, on crée des centres de maternologie. Il y a un nombre impressionnant de dépressions graves du post-partum en France. Ces dépressions portent atteinte au lien mère/enfant. Pourtant ce n’est pas la femme qui est incapable, mais plutôt l’image médiatisée qu’elle cherche à atteindre qui est inconcevable, inaccessible. L’isolement de la femme durant cette période est insensé.

Comment se préparer à devenir mère ? Simplement en s’ouvrant au fur et à mesure qu’il nous l’est demandé. S’ouvrir à un enfant, c’est s’ouvrir à un autre. Autre, parce qu’il est autre que ce que l’on croit. Autre, parce qu’il est individu capable de singularité. Il est autre, donc il est différent de celui que l’on attend. Il est différent, donc il va nous surprendre là où l’on ne s’y attendait pas. Il amène avec lui l’inattendu, l’imprévu. L’imprévu est imprévisible, non prévisible, donc non connu. Ce qui n’est pas connu nous fait peur : c’est l’inconnu. Le connu c’est notre passé, nos repères, notre confort, le fauteuil sur lequel on est assis, nos habitudes... L’inconnu c’est l’avenir, c’est ce qui va venir si on avance, si on marche en avant.

Aller vers l’inconnu fait peur, car nous nous sommes perdus en chemin, nous avons perdu nos racines, le rapport à nos pieds qui nous portent, la confiance dans le chemin que nous faisons. Aller .vers l’inconnu, c’est ne pas pouvoir maîtriser ce qui va se passer, c’est trouver la confiance. La confiance de faire un pas en avant sans savoir sur quoi il va se poser, mais savoir qu’il va se poser et que, aussi surprenant que soit le support, il peut nous porter. Quitter le fauteuil rassurant de notre confort et de nos habitudes, c’est aller dans le monde des peurs : peur de tomber, peur de ne pas y arriver, peur de mourir, peur de mal faire, peur de ce qu’en pensera l’autre, peur de rater la marche, peur de perdre le fauteuil... Nos peurs nous éprouvent. Les accepter, aller à leur rencontre nous permet d’aller à notre rencontre. Est-ce que la vie est là pour la traverser dans un fauteuil ? Autrefois, les gens avaient la foi. Ils croyaient en un « connu » qui les accompagnait vers l’inconnu. Aujourd’hui, ce connu n’existe plus pour bien des gens, ils se trouvent seuls face à l’inconnu, un peu comme la marionnette à qui l’on a coupé les fils et qui reste donc là, assise dans son fauteuil à voir le temps passer.

L’occasion est donnée à la femme, par la maternité, de quitter son fauteuil. C’est un moment très favorable car elle a un guide qui est son bébé. Il va l’amener progressivement à s’ouvrir de plus en plus, étape par étape, l’une préparant l’autre, l’une, lui apportant les compétences de vivre la suivante, pas à pas, marche après marche.

L’ouverture qui lui est demandée commence parfois bien avant la conception, lorsqu’elle s’ouvre à cet enfant possible, à cet enfant qui la surprend par sa présence ou la blesse par son absence. Puis elle le recueillera dans un endroit secret où il se crée loin du regard et des contacts extérieurs, à moins de violer l’intimité de sa mère, à savoir son bassin. Elle le protège le temps de sa création. Elle devient protectrice de vie : elle ne la crée pas mais permet sa création en lui prêtant une enveloppe appropriée. La mère veille et s’émerveille sur cette merveille qui prend corps dans son corps. C’est en le gardant bien en sécurité dans son enveloppe charnelle qu’elle lui fait découvrir le monde qui l’entoure, l’environnement dans lequel il va naître. Elle commence ainsi doucement, à son rythme à aller vers cet inconnu qui l’attend : être mère et avoir la responsabilité d’un petit d’Homme. Millimètre après millimètre, elle va s’ouvrir physiquement et psychologiquement à cette maternité. Elle va lâcher son passé, son corps de femme, certaines choses qu’elle faisait, peut-être des êtres qu’elle aimait pour aller vers l’inconnu. Son bébé lui demande d’ouvrir son ventre, ses côtes, son bassin, encore un peu plus, toujours un peu plus, jusqu’à l’extrême limite. Elle est alors prête à quitter son état de grossesse pour plonger dans une autre ouverture : celle de son intimité, ce lieu que l’on appelle « sacré » en anatomie, ce lieu secret qui deviendra passage, ouverture extrême pour permettre au petit enfançon d’accéder à la vie aérienne et lui échapper un peu. Les sensations seront son guide précieux, l’amenant dans les méandres de son monde intérieur. Acceptant ses peurs jusqu’à la peur ultime, atteignant les limites physiques de l’ouverture de son corps, elle est prête à expulser son enfançon, à le lancer sur la spirale de la vie et à l’accueillir dans ses bras, à son sein. Là, son tout petit va lui demander tout son temps, toute son attention, toute sa disponibilité. La solution est d’accepter de perdre son identité pendant quelques mois qui semblent alors une éternité. Son bébé demeurera son guide implacable, l’obligeant de nouveau à lâcher plus que ce qu’elle aurait voulu. Il lui faut lui apporter la plénitude de la base sur laquelle il prendra appui avec confiance pour s’élever (avec le soutien de son père) en tant qu’Homme et partir dans la vie. Cette plénitude se fait d’amour et de lait. Repus et confiant, profondément enraciné dans l’amour de sa mère (qui lui apporte la sécurité intérieure), rassuré par la présence de son père (qui lui apporte la sécurité extérieure), il partira explorer le monde proche, la maison, la famille. La mère ouvrira alors ses bras pour le laisser partir. Un jour, il quittera la maison, la famille, la ville pour construire sa maison afin d’abriter sa propre famille. La mère lui ouvrira la porte.

Bien des femmes devenant mère, réalisent qu’en transmettant la vie, elles exposent à la mort. Devenir mère c’est s’ouvrir au passage quel que soit sa durée : aimer dans l’instant sans condition. La mort fait brûler les étapes : la naissance peut être suivie par l’absence, comme l’absence peut faire suite à la prise de conscience de la présence (en cas de fausses-couches précoces).

Se donner, s’ouvrir et laisser partir. Aimer les mains ouvertes, sans rien attendre en retour : c’est le métier de mère.

Être mère, c’est aussi recevoir cet amour inconditionnel de l’enfant. Pendant de nombreuses années, il nous pardonne tout, il nous aime comme nous sommes avec nos tâtonnements, nos erreurs, nos errances, nos doutes, nos peurs, nos limites. Patiemment, il nous aide à avancer, il nous apprend à l’accompagner, il nous enseigne. Il nous aide à nous accepter telles que nous sommes. On peut avoir l’impression de se perdre dans ce dédale de questions et de remises en questions... Mais au fil des années, au fur et à mesure que l’enfant s’éloigne pour s’en aller, on se rend compte que, loin de nous perdre, il nous a permis de mieux nous trouver, comme si patiemment, il avait ôté une à une les enveloppes qui forment notre carapace pour nous permettre de naître un peu plus à nous-même. Et quand nous n’avons plus besoin de lui pour nous aider à continuer notre chemin, il nous quitte pour rencontrer le sien.

La grossesse prépare à l’enfantement ; l’enfantement prépare à l’enfance ; l’enfance prépare à l’adolescence ; l’adolescence prépare à l’absence ; l’absence amène la vacance ; être vacant, c’est accepter la vacuité ; dans la vacuité peut s’exprimer le germe de la re-naissance. En fait, tout ce chemin nous ramène inlassablement à vivre au présent, profiter de l’instant, sans s’accrocher à hier, sans craindre demain mais puiser en hier la confiance d’aller vers demain. L’enfant sait très bien quand nous sommes pleinement disponibles à lui et quand nous ne le sommes qu’en façade. Dans le premier cas, il sera rempli et nous lâchera ; dans le deuxième cas, il s’incrustera pour exiger notre présence et ne nous lâchera pas. Son exigence nous enseigne.

Mettre au monde, c’est donc se donner la chance de re-naître. Accepter dans notre vie de donner toute sa place à la gestation, d’accueillir en conscience dans chacune de nos cellules ce petit être qui a choisi de passer au travers de nous, c’est accepter de se lancer dans l’inconnu. C’est quitter son passé de femme pour se laisser sculpter mère. C’est quitter ce que nous sommes ou ce que nous croyons être pour se laisser rencontrer par l’enfant.

Devenir mère, c’est se laisser bousculer, c’est entrer dans la mouvance de l’adaptation. La mouvance est mouvement, le mouvement est la vie. Devenir maman est un moyen de réactiver le principe vital en nous.

Pour devenir mère, la femme a besoin de se sentir soutenue afin de s’ouvrir sans crainte, de s’abandonner pour re-naître. « La mère a besoin de se sentir entourée, soutenue, accompagnée, valorisée, appréciée, instruite, aidée à des degrés divers » (Daniel STERN ) Elle a également besoin d’avoir confiance. Confiance en elle, en sa capacité à s’adapter. Cela sera d’autant plus facile pour elle si elle écoute ce qui se vit au présent, en acceptant de tâtonner, sans se fixer de buts. Cela sera plus facile pour elle si on lui a fait confiance dès sa naissance, si elle a pris elle-même sa décision de venir au monde, si sa mère lui a donné tout ce dont elle avait besoin les premiers temps. Confiance en son compagnon ou en son entourage qui sera là pour la protéger, pour assumer le quotidien quand il devient trop lourd, pour accueillir ses doutes, ses peurs et la renforcer dans ses compétences. Pouvoir compter sur lui également pour qu’il veille à ce qu’elle se retrouve progressivement, qu’elle ne se laisse pas complètement emporter par son rôle de mère, qu’elle ne s’oublie pas plus qu’il ne le faut : chaque ouverture ne doit pas la perdre mais l’amener à se trouver un peu (ouvrir son intimité lors de l’enfante- ment lui permettra de trouver un nouveau corps de femme/mère, ouvrir ses bras :’ quand son enfant partira à quatre pattes lui permettra de trouver du temps pour elle, ouvrir la porte de sa maison lui permettra de se trouver elle). C’est comme si l’homme l’aidait à aller vers l’enfant et lui permettait de revenir ultérieurement à elle. Confiance dans les professionnels qui seront là pour la conforter dans sa bonne adaptation. Comment être un professionnel soutenant et non angoissant ? Car, pour s’ouvrir ainsi, la femme a aussi besoin d’être prise en considération par la société dans ce métier de mère et dans ses compétences par le corps médical. Retrouver son savoir enfanter et son savoir de mère, c’est accepter d’être soi et de s’affirmer telle que l’on est, en s’appuyant sur ce que l’on ressent.

Se donner la chance d’enfanter, c’est également renouer avec notre nature sauvage et instinctive, notre féminin profond ; c’est renouer avec cette force intuitive qui préserve l’être et ce qui lui permet d’être.

« De même qu’au moment d’une naissance, le corps de l’enfant bascule dans le ventre de sa mère pour venir placer sa tête dans l’axe du col de l’utérus, de même l’Homme qui a pris racine et qui est près de naître bascule de la mort à la vie et vient se présenter dans l’axe de la naissance, devant cette première porte ». ( Annick de Souzenelle ) Cette première porte, c’est la Porte des Hommes dans l’arbre des séphiroth, celle qui permet le passage du monde de l’avoir, au monde de l’être. Cette porte est représentée dans le corps humain par le bassin. C’est comme si l’enfant en franchissant le bassin de sa mère lui donnait l’impulsion et la force de franchir cette porte et de changer ainsi d’état de conscience. Mais avons-nous envie de changer d’état de conscience ?

Conclusion

Pourquoi a-t-on perdu le sens de la naissance ? Pourquoi avons- nous oublié le but de l’enfantement ? Aller à la rencontre de la douleur de l’enfantement, c’est accepter de se laisser bousculer. Pourquoi choisir de vivre cette épreuve plutôt que de l’éviter ? S’ouvrir à l’enfant qui naît, c’est aussi naître mère. Lui donner la possibilité de naître lui-même, c’est lui donner les chances de vivre lui-même en santé et avec confiance. Respecter l’enfant dans sa naissance, c’est développer sa capacité d’aimer. Reconsidérer la naissance et la place de chacun à ce moment-là, c’est reconnaître à chacun son individualité et son humanité. Pour Claude Emile Tourné, « l’accès de la femme à la pleine manifestation des compétences de son corps au moment de l’enfantement est un vrai danger pour le système de dominance ». Nous nous sommes rendu compte au fil des chapitres précédents qu’aller à la rencontre de la douleur permettait bien souvent aux femmes d’enfanter. Elles ressortaient grandies de cette épreuve. Leur donner la possibilité de retrouver leurs compétences innées, c’est reconnaître que le savoir médical est incomplet en ce domaine ; c’est reconnaître également le mystère de la vie qui grandit au cœur de la femme et vient au monde à travers son intimité. La femme détient en elle, dans le secret de son corps, le savoir de la reproduction et de la pérennité de l’espèce. C’est ce secret qui lui échappe, que l’homme n’a de cesse d’investiguer, de violer en cherchant à le maîtriser afin de le rendre dépendant de lui.

Serait-ce utopique d’espérer que chacun retrouve sa place ? Si la femme est vraiment porteuse de vie, elle se met obligatoirement en vulnérabilité.

L’homme trouve alors sa place de protecteur de la femme, lui amenant la sécurité nécessaire.

L’équipe médicale devient l’accompagnateur, le veilleur qui informe, soutient, vérifie que tout se passe bien, veille à ne pas gêner et intervient efficacement en cas de nécessité. Pour cela, le corps médical prend davantage un rôle d’observateur qu’un rôle d’acteur. Reconnaitre les compétences de l’autre demande d’abandonner son pouvoir au profit de l’humilité ; C’est aussi s’effacer pour laisser naitre. Nul besoin de grands changements pour que ce rêve devienne une réalité ; Il suffit que chacun ose faire un pas en avant et s’ouvre à l’autre.

Mais cela demanderait que les sages-femmes retrouvent leur place de « passeuse de vie » ainsi que la disponibilité nécessaire à ce moment. Une sage-femme, pour une femme qui accouche serait la condition première. Donner les moyens à la femme d’accéder à ses compétences et d’enfanter en traversant la douleur n’est pas un retour en arrière. Du temps de Fernand Lamaze les connaissances sur la physiologie de l’enfantement étaient très incomplètes. La méthode proposait aux femmes de se dissocier de la douleur pour la laisser passer. Les connaissances actuelles encouragent les femmes à se laisser emporter par cette douleur, à faire corps avec elle avec confiance, pour retrouver cette physiologie calculée au millimètre près afin que mère et enfant se retrouvent sains et saufs à l’issue de l’épreuve sans en avoir souffert. Mais la douleur est-elle vraiment nécessaire ? La façon dont nous la vivons est intimement liée à notre interprétation. L’enfantement est considéré comme douloureux depuis la nuit des temps. Bien souvent nous avons besoin de la douleur pour prendre conscience, grandir et évoluer. En reconsidérant l’interprétation ancestrale de l’enfantement, en affinant notre sensibilité afin que des sensations non douloureuses puissent nous informer et nous permettre de nous adapter, l’enfantement pourrait devenir un passe intense mais pas nécessairement douloureux. Certaines femmes le vivent déjà comme tel. Ainsi serait-il possible de supprimer la douleur, non pas en s’en évadant, ni en l’anesthésiant, mais en la rendant simplement inutile.

En retrouvant son « savoir enfanter », la femme mettra au monde son bébé avec toute sa conscience, en étant pleinement active et présente. Nous ne nous sommes jamais trouvées dans une telle situation depuis la création du monde ! C’est donc une formidable avancée qui est aujourd’hui possible : accueillir le petit d’homme en sécurité, en valorisant ses compétences et sa confiance tant en lui que dans les personnes qui l’accompagnent, dans tout le respect et la dignité qu’on lui doit. Quel serait l’avenir d’une société née dans le respect et la conscience ? Quel serait l’avenir d’une société qui favoriserait dès la conception le développement de la capacité d’aimer ?

J’aime beaucoup une lettre de l’alphabet hébraïque, le Daleth, car il symbolise à la fois la porte, la résistance, la mort, l’épreuve et la matrice (à savoir l’utérus). Comme si le passage de la porte de la matrice était une épreuve à la hauteur de sa résistance et qui conduisait à la mort. Non pas la mort physique, mais la mort de ce que l’on était avant. De même que lorsque le papillon naît, la chrysalide n’est plus. J’aimerais que les femmes trouvent le courage de se lancer dans l’inconnu. Je sais qu’elles en sont capables.

Epilogue

Ce que j’ai envie de te dire

Ma fille, un jour peut-être il te sera donné la chance d’accueillir un enfant en ton sein et de le porter vers la vie. C’est un événement unique dans la vie d’une femme, tissé de joies et de peines, de certitudes et de craintes, d’envies et de rejets : ambiguïtés de la vie.

Laisse-toi porter, laisse-toi bousculer, sens-toi algue dans la mer, bercée ou malmenée par les flots. L’algue est bien enracinée dans le sol, comme toi dans la vie.

Laisse-moi te raconter l’histoire de l’enfantement.

Cela fait un temps déjà que tu sais que l’enfant que tu portes peut pointer le bout de son nez, tu t’y es préparée. Mais cela nous prend toujours un peu au dépourvu. C’est d’abord un point d’interrogation ( est-ce que c’est ça ?) avec des craintes un peu comme si on avait le trac. A un moment c’est une certitude, là au plus profond du ventre (c’est ça !). Avec cette certitude arrive le calme, les dés sont lancés, il convient de se laisser porter : aléa jacta est !

Le temps s’arrête, l’extérieur n’existe plus, l’espace est intérieur. Les contractions arrivent comme les vagues, dans un va-et-vient régulier qui rythme le silence. Elles te ballottent, t’habitent, impulsent un mouvement à ton corps. Le rythme est là, la danse peut commencer. C’est une danse de couple où ton partenaire est la douleur, partenaire enveloppant et aimant aussi bien qu’exigeant, qui dicte chacun de tes pas. Ecouter, accueillir, te laisser mener, t’adapter, ne pas lui résister. Sois sans crainte. Il prendra le temps pour que tu fasses sa connaissance, que tu te familiarises avec la musique, que tu te laisses habiter par le rythme. C’est quand il te sentira prête qu’il t’emportera un peu plus loin, un peu plus vite. Lâche ta nuque, lâche tes épaules, desserre tes mâchoires, lâche tes reins, laisse le mouvement prendre possession de tes hanches. Ferme les yeux et surtout ne perd pas le rythme. N’aie pas peur, il connaît tes limites mieux que tu ne les connais. Il sait où il te mène : il te mène vers la mère. Profite de chaque temps de calme pour reprendre ton souffle et accepte qu’il t’emmène de nouveau un peu plus loin, un peu plus vite, un peu plus fort. Concentre-toi sur sa présence, ses bras qui te tiennent, t’enveloppent et te soutiennent. Ne les prends pas pour une prison, n’oublient pas qu’ils sont aimants. Leur but est de t’aider à faire le voyage, de t’aider à tourner la page, de t’aider à plonger. Parfois il te lâche pour mieux te faire tourner et il te rattrape au bon moment, avant que tu ne perdes l’équilibre. Petit à petit tu prends confiance, il t’en laisse le temps. Quand ‘il te sentira prête, il te lâchera, au moment où la danse est la plus endiablée... Sauras-tu danser seule ? Sauras-tu retrouver ton équilibre ? Tu as à peine le temps d’avoir peur que tu découvres un nouveau partenaire qui t’attrape au vol : c’est ton bébé qui est là dans ton intime et qui te guide vers lui. Finie la danse, ce n’est plus la même musique ! Tu sens cette force qui te propulse vers l’avant, vers l’avenir, vers la rencontre. Regarde, il est là sous ta main, sous tes doigts, accueille-le, prends-le dans tes bras : c’est ton tout petit ! Une autre danse commence, celle de la mère. Tout juste né il est déjà ton partenaire, laisse-toi guider. Il n’y a pas plus aimant et plus impitoyable partenaire. Il n’y a pas plus belle histoire d’amour. Va, fais-lui confiance !

Ta maman


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